En ces derniers mois de l’année, le paysan qui estive son troupeau sur les Alpages a fini de laver ses cloches et sonnailles et les repend au galetas.
Une belle occasion de regarder une fois encore ses cloches pour les montées et les désalpes, ainsi que les grelots de pâture, sonnettes, campagnards, clochettes, Morier ou autres Chamonix qui sont portés durant la saison à la montagne et font résonner une sonnerie plus légère.
Ce regard sur la perche, où est suspendu le trésor sonore maintenant silencieux de l’éleveur, lui permet de se souvenir des dates anniversaires figurant sur les cloches, souvenir d’une naissance, d’une fin d’apprentissage ou d’un anniversaire au chiffre rond. Les décorations qu’elles soient brodées sur les colliers ou empreintées dans le bronze de la cloche sont des souvenirs de l’agriculteur, de sa famille et des générations passées qui ont permis la continuité du domaine.
Aujourd’hui, les forgerons Anthony et Pierre-André Tschantz de la Forge du Camp à Bière et les fondeurs Albertano et Rovero de la Fonderie Albertano à La Sarraz perpétuent ces traditions ancestrales. Chaque jour, ils réalisent des objets campanaires de toutes tailles pour être portés par le bétail ou pour un prix d’une fête de lutte, l’anniversaire d’un syndicat d’élevage, la commémoration d’un événement joyeux ou pour la promotion de la suissitude à l’étranger, utilisée par les grandes entreprises.
Ces métiers du feu nécessitent un savoir-faire confidentiel qui se pratiquent encore dans toute la Suisse, grâce au travail de ces artisans de génie. La maîtrise des alliages, des températures, un outillage spécifique, le choix des matériaux, une précision minutieuse dans la pose d’un décor ou une fine soudure nécessitent des années de pratique où le dernier secret n’est pas délivré immédiatement. L’esprit de la corporation se perpétue ainsi pour ces créateurs qui se remettent en question chaque jour pour améliorer le son ou la forme et répondre ainsi aux demandes des acheteurs.
Le sellier, Frédéric Chappuis à Cuarnens décore les cloches et sonnailles et personnalise ces colliers grâce à un patient travail pour coudre et broder ces courroies où la marque du temps est souvent inscrite en dessus de la boucle. La cloche ou le toupin est prêt pour la prochaine montée et conservé à la chambre quelques mois avant de l’accrocher à la perche pour perpétuer les traditions.
Des sonnailles improbables sont quelques fois réalisées pour le plaisir ou pour montrer le talent des maîtres du feu mis au défi.
Quand le bronze et le fer s’accordent au cou des vaches et modzons, la symphonie alpestre peut débuter sur les chemins du printemps et de l’automne. Le son sourd des toupins en fer et la tintinnabulante harmonie des cloches en bronze forment ainsi un orchestre où les percussions et les mélodies s’associent pour un concert qui va rythmer la marche du troupeau, un hymne propre à chaque paysan.