Les cloches du Pays-d’Enhaut

Les églises nationales du Pays-d’Enhaut possèdent encore 6 cloches de la période gruyérienne, donc antérieures à la Réformation, qui, répétons-le s’est accomplie dans notre vallée, dès 1555.

Rougemont a eu l’honneur de posséder trois belles cloches du XVème siècle, la plus ancienne est datée de 1419. Le clocher de Rossinière abrite une cloche de 1481 et une seconde, son aînée d’environ cinquante ans. Le Pays-d’Enhaut n’a guère à envier aux autres paroisses vaudoises l’ancienneté de leurs cloches.
Baulmes se classe avant Rougemont avec une cloche au millésime de 1404, puis Ollon, 1413. D’autres endroits, comme Lausanne (pour une), Morrens, Vuarrens, Villarzel, Vugelles-la-Mothe, Denezy, possèdent des cloches classées dans les monuments historiques avec l’indication « médiévale », « gothique », « Moyen Age ». Ces termes définissent des périodes assez longues ; il est ainsi difficile de leur attribuer un âge plus précis. Le Moyen Age finit en 1453. L’art gothique fleurit en Europe du XIIème au XVIème siècle.

Nous ne pourrons jamais savoir comment elles sont arrivées jusqu’à nous

Les fondeurs de cloches d’église ont été très actifs durant tout le XVème siècle. Dans notre vallée, ces anciennes cloches ne sont pas signées ; nous ne pourrons jamais savoir comment elles sont arrivées jusqu’à nous, si l’on considère nos chemins défectueux d’antan et nos moyens primitifs de transport. Les anciens saintiers étaient souvent nomades. Ils établissaient leurs fourneaux aussi près que possible des églises pour lesquelles ils travaillaient ; la matière première était plus facilement transportable que ces grosses cloches dont le poids pouvait aller jusqu’à 4’000 kilogrammes et même plus pour quelques exceptions. Souvent la ressemblance des caractères, des textes et des bas-reliefs fait penser que certaines cloches ont été fondues par le même artisan.

Eglise de Rossinière

« Plusieurs cloches d’église, particulièrement de Genève et des environs, sont signées de membres de la famille Dreffet. Un de ceux-ci, du nom de Pierre Dreffet, s’établit à Vevey, où on le trouve dès la fin du XVIIIème siècle. Peut avant 1800, il associa son neveu Marc Treboux à son travail. Cette maison continua à travailler activement sous les raisons sociales de Samuel, puis de Gustave Treboux. En 1887, ce dernier a fondu la cloche de la « Tour de l’horloge » de Rossinières. Cette cloche signée de cet artisan porte comme inscription « Liauba ! 1887 ».

Eglise de Château-d’Oex

« Au mois d’août 1905, on pouvait déjà voir exposées dans la cour de la Fonderie Perret, à Lausanne, les deux nouvelles cloches destinées à l’église de Château-d’Oex. La maison Perret n’était pas spécialisée dans la fonte des cloches d’église. Cette inexpérience causa bien des déboires à M. Abram Favrod-Coune. Les deux cloches arrivèrent à Château-d’Oex le 25 octobre 1905, transportées de Lausanne par chemin de fer ; le Montreux-Oberland Bernois arrivant jusqu’à nous, il n’était plus question de transport par char comme la fois précédente. Pour la petite cloche tout se passa sans encombre.

La plus grande des nouvelles cloches n’avait aucune résonance et donnait des coups sourds et faux, comme si elle était fêlée.

Les déconvenues commencèrent lorsqu’il fallut hisser la grosse cloche. Quand tout fut en place, une grosse déception attendait le fondeur. Au premier essai de sonnerie de ce nouveau carillon, dont on attendait beaucoup, il fallut déchanter. La plus grande des nouvelles cloches n’avait aucune résonance et donnait des coups sourds et faux, comme si elle était fêlée. On ne pouvait donner comme responsable le généreux donateur, qui ressentit de ce mécompte un chagrin compréhensible. La conduite du fondeur était toute tracée, il n’avait qu’à remettre au creuset ce qui n’était qu’un vulgaire « toupin ». La fonderie Perret n’assuma pas la responsabilité d’une nouvelle expérience, elle confia la refonte de la cloche à la fonderie d’Estavayer. Il fallut attendre jusqu’en août 1906 avant de voir dans nos murs la cloche tant attendue.

… Le même soir, à 6 heures, la sonnerie a été essayée. Les trois aînées présentèrent d’abord au pays leur nouvelle sœur, puis elles se sont tues et la plus jeune a fait retentir sa voix grave, ure et sonore. Cette fois le donateur avait tout lieu d’être satisfait. » Une chose curieuse : cette cloche refondue , après les mésaventures dont nous venons de parler, ne porte pas comme sa sœur la signature de la Maison Perret de Lausanne.

La « Fonderie d’Estavayer » par délicatesse sans doute, eu égard de la malchance de sa concurrente, a eu soin de ne pas citer sur le bronze le nom de sa propre raison sociale. »

Eglise de Rougemont

Dans les siècles passés, le clocher de Rougemont , comme celui de Château-d’Oex, abritait quatre cloches , dont la plus ancienne remontait au XIIIème siècle. Pour une petite paroisse, c’était admirable. Ce privilège était certainement dû à l’existence du Prieuré. En 1299, les visiteurs de l’Abbaye de Cluny, faisant une inspection du monastère de Rougemont , signalent une cloche neuve à l’église et une cloche fraîchement réparée. C’est la plus ancienne mention découverte jusqu’ici à ce sujet. Après cela, trois cloches furent fondues dans le cours du XVème siècle. En 1910, le Conseil municipal commande à M. Perret une nouvelle cloche et lui vend la vielle cloche de 1299.

Eglise de l’Etivaz

En 1682, les habitants de L’Etivaz, paroissiens de Château-d’Oex, éprouvèrent le besoin de meubler le clocher rustique de leur bijou d’église. Le châtelain de Château-d’Oex, David Henchoz, de L’Etivaz, de Chez-les-Isoz, persuade le Conseil de Commune d’acheter une cloche convenable pour son vallon. La cloche est commandée à Berne chez le fondeur Abraham Gerber, homme de métier, appartenant à une famille où l’on est par tradition, de père en fils, fondeurs de cuivre et de cloches. Cette cloche de 58 cm. de hauteur et 75 cm. de diamètre, est la seule du district fondue alors que L.L. E.E. de Berne étaient nos maîtres. »


Les cloches des églises du Pays-d’Enhaut
Emile Henchoz

Extrait de la Revue historique vaudoise, 69ème année – 1961
Imprimerie La Concorde, Lausanne 1961

Laissez un commentaire

Navigate