La Cloche de Juriens 1724

La cloche « 1724 Juriens », le bailliage de Romainmôtier et son bailli qui pratique l’alchimie, des fondeurs de cloches neuchâtelois et bernois, le Major Davel et son manifeste, l’Abbaye de Juriens, l’harmonisation des cloches de la cathédrale de Lausanne et des églises St-François et St-Laurent au 19ème siècle et la redécouverte en 2004 de cette cloche à Romainmôtier rendue à Juriens.

Inscriptions

IEAN FRANCOIS CVRTET GOVERNEVR
PIERRE LVQVIENS SECRETEAIRE
IACOB LVQVIENS CONSELIER IURIENS 1724
F P M I I GVILLEBERT MAYTRE FONDEVR BOVRGEOIS DE NEVFCHATEL
(Fait Par Moi Iean Iacques GVILLEBERT …)


Questions

Pourquoi trois cloches fondues après 1723 ont-elles des fondeurs provenant de cantons différents, celles de Juriens et de la cathédrale de Lausanne sont fondues à Neuchâtel alors que celle de Romainmôtier est fondue à Berne qui dominait à cette période le Pays de Vaud ?

LLEE décident-ils politiquement d’offrir ou d’accepter la réalisation de cloches à leurs sujets Vaudois, comme ils favorisent la création d’Abbayes de Tir, après l’exécution du Major Davel en 1723 ceci afin de calmer les esprits ?
Pour quelle raison la cloche de l’église de Romainmôtier porte la date de 1723, son joug celle de 1724 et l’emplacement dans le chœur de l’église où la cloche a été élevée celle de 1726 ?

Quelle est la signification exacte du verset qui figure sur la cloche de Romainmôtier ?
“DIR RVF ICH LIEBER FROMLER CHRIST ZV DEINEM HEILAND JESV-CHRIST
DAN SONST KEIN HEIL NOCH LEBEN IST”
“Pieux Chrétien je te rappelle à ton Sauveur Jésus-Christ, car, hors de lui, il n’y a ni salut ni vie” Les autorités bernoises pensaient-elles au Major Davel ?

 

Quelle est le rôle du bailli Willading qui semble être connu pour la pratique de l’alchimie et de tous les notables qui figurent sur la cloche de l’église de Romainmôtier ?
Existe-t-il d’autres cloches coulées après 1723 en Pays de Vaud, une fabrication plus importante a t’elle été constatée à partir de cette date ?
Dans quel bâtiment se trouvait initialement la cloche de Juriens ?


L’exécution du Major Davel

Pays sujet, le Pays de Vaud n’inquiéta guère ses maîtres. En 1722, quelques pasteurs refusèrent de signer la confession de foi très rigide qu’imposait Berne. Mais le régime ne fut guère critiqué avant le Manifeste du Major Davel, en 1723. Davel, né en 1670, fils de pasteur, notaire, puis officier au Service de Hollande et de France, était l’un des Vaudois qui s’était distingué en 1712 à la bataille de Villmergen, en menant les troupes bernoises à la victoire.. Rentré au pays, il commandait les hommes de Lavaux. Mystique, il crut être « appelé » par Dieu à délivrer le Pays de Vaud de la domination bernoise. A la tête de ses troupes – non armées -, il marcha sur Lausanne, où il voulait rallier les notables à sa cause. Le Manifeste qu’il leur lut s’en prenait à l’administration, au fisc, à la justice, à l’impossibilité pour les élites vaudoises d’accéder aux premières places. Il demanda l’émancipation des Vaudois et la déchéance de Berne. Les notables lausannois le dénoncèrent à Berne. Condamné à mort, il fut exécuté à Vidy le 24 avril 1723.

 C’est ici le plus beau de mes jours. Je rends grâces à Dieu de la grâce qu’il me fait de me sacrifier pour la gloire et le bien de ma patrie !

Ce furent là ses dernières paroles…

Les évènements extérieurs ne touchent guère la paisible population de Juriens. Le jour même où le Major Davel était décapité à Lausanne, « les Sieurs Confrères de l’Abbaye de Juriens assemblés pour vaquer aux affaires de Confrérie » discutent des comptes annuels et acceptent l’offre de Samuel Sordet, de fournir pour 34 Batz une « collation honnête, à contentement de la compagnie, tant en pain, beau et bon que fromage et gauffres »…

Extraits de Histoire du Pays de Vaud de Lucienne Hubler et Bref historique des remières Abbayes de Juriens de 1653 à 1857 par Jean-Jacques Fiechter.


Fondeurs neuchâtelois XVIIIe siècle

GUILLEBERT, GEDEON, à Neuchâtel, fils de Gilles, † en 1732. – 1702-1704, Le Locle, 1 cl. ; 1710, Valangin, 1 cl. ; 1715 et 1716, Neuchâtel, tour de Diesse, 1 cl. ; 1725, Cortaillod, III.
GUILLEBERT, JEAN-HENRI, à Neuchâtel, fis de Gédéon. – 1726, Saint-Blaise, 1 cl. ; 1726, Lausanne, Cathédrale, 1 cl. (avec P.-I. Meuron et J.-J. Guillebert).
GUILLEBERT, JEAN-JACQUES, fils de Gédéon. – 1726, Lausanne, Cathédrale, 1 cl. (avec P.-I. Meuron et J.-H. Guillebert).
MEURON-DIT-BANDERET, PIERRE-ISAAC, à Saint-Sulpice, fils de Jean-Louis, fondeur et notaire. – 1726, Lausanne, Cathédrale, 1 cl. (avec J.-H. Guillebert et J.-J. Guillebert) ; 1736, Savagnier, 1 cl. (avec son fils) ; 1736, Fenin, 1 cl. (avec son fils) ; 1738, Peseux, 2 cl. (avec son fils) ; 1753, Cernier, 1 ; 1756 et 1757, Landeron, 4 cl. ; XVIIIme siècle, Moudon, 1 cl. De nombreuses cloches dans le pays de Vaud.

Les Guillebert, originaires de Champagne et natifs de Genève, semblent s’être établis à Neuchâtel vers 1680, car l’un d’eux, Gédéon, fut reçu dans la Compagnie des Favres, Maçons et Chappuis en 1680. Quelques années plus tard en 1705, nous trouvons deux familles de Guillebert fondeurs à Neuchâtel, celles de Gédéon et Pierre. Dans la première famille, trois furent fondeurs de cloches : Gédéon et ses fils Jean-Henry et Jean-Jacques.
Gédéon offrit en 1709, l’année de sa réception comme bourgeois de Neuchâtel, une cloche pour sonner le tocsin, mais il fut éconduit.
Jean-Henry et Jean-Jacques fondirent, en 1726, avec Pierre-Isaac Meuron une des cloches de la cathédrale de Lausanne. Ce Pierre de Meuron-dit-Banderet était notaire en même temps que fondeur de cloches. Nous n’avons pas trouvé moins de treize mentions de cloches faites par lui et par son fils, presque toutes dans le canton. Ils en livrèrent aussi dans le Pays de Vaud. Les spécimens qui existent encore, à Fenin, par exemple, montrent qu’ils étaient très habiles dans leur art ; leurs décorations qui consistent surtout en guirlande de fruits est sobre et de bon goût. Les Meuron fondaient aussi des « timbres d’horloge ».

Extraits de Les Fondeurs de nos cloches, par Alfred Chapuis et Léon Montandon pour le Musée Neuchâtelois


Le bailli de Romainmôtier

Hans Rodolphe Willading, bailli à Romainmôtier de 1687 à 1693 puis de 1720 à 1726.

Jean-Jacques Fiechter dans son « Bref historique des premières Abbaye de Juriens de 1653 à 1857 » écrit : « L’acte de fondation de l’Abbaye de Juriens de 1693, heureusement préservé, précise les buts et statuts de l’Abbaye, qui sont pratiquement restés les mêmes qu’au départ : « Que chacun des Confrères de la dite Abbaye aient sur toute chose en recommandation l’honneur et la crainte de Dieu et de Leurs Princes et Supérieurs ». Le document se termine en précisant qu’il sera soumis à l’approbation « de notre Magnifique, Généreux, Puissant et très honoré Seigneur Baillif, après son retour de Berne »…

Devant un si bon esprit, Jean-Rodolphe Villadin, Bailli de Romainmôtier et membre du Grand Conseil de la Ville et Canton de Berne, donne l’autorisation requise le 4 juillet 1693 et scelle le document de son cachet armorié, ainsi que l’acte de fondation. Ce Bailli est du reste une personnalité hors du commun. Johann-Rudolph von Willading (il a francisé son nom sur le document, ayant été longtemps officier au Service de Louis XIV) a contacté en France la passion de l’alchimie, qui y sévit. Hélas, il n’a pas réussi à transmuter le plomb en or et se ruine dans ses recherches infructueuses. Cela l’empêche vraisemblablement d’offrir un prix au Roi du tir, comme c’est l’usage général dans le Pays de Vaud.


Harmonisation des cloches de la cathédrale de Lausanne, des églises de St-François et de St-Laurent

Le besoin d’harmoniser les cloches entre elles émerge dans tout le canton entre 1880 et 1900. L’accordeur de cloches, Auguste Thybaud, rend les Lausannois attentifs à la nécessité de mettre au diapason les cloches de la cathédrale et celles de l’église Saint-François et de l’église de St-Laurent. Plusieurs villes et villages du Pays de Vaud ont déjà fait harmoniser leurs cloches. Il s’agit de Payerne, Moudon, Aubonne, Avenches, Baulmes, Concise, Dommartin, Bottens, Mézières, Sainr-Prex, Ballaigues, Dompierre et Mont-la-Ville.

Auguste Thybaud, originaire de Concise, instituteur de formation, s’octroie le titre d’accordeur de cloches. Il est l’infatigable promoteur et défenseur de la cloche au son juste et harmonisé. Etrange personnage que cet Auguste Thybaud, condamné par défaut en 1879 par le tribunal criminel d’Yverdon à 8 ans de réclusion et 15 ans de privation des droits civiques pour faux et usage de faux.
Malgré ce lourd passé, il arrive toutefois à gagner la confiance de nombreuses paroisses et communes qui le mandateront pour l’harmonisation de leurs cloches.

La troisième et plus petite des cloches de l’église de Romainmôtier, fondue comme nous venons de le dire n’existe plus ; des travaux de consolidation faits au clocher en 1897 et qui exigèrent la descente des trois cloches dans l’église, firent constater que l’un de ses quatre ancillons était cassé et que sa remise en place ne serait pas sans présenter le danger d’une chute grave.

John-Daniel Blavignac mentionne une cloche de l’antique église de Romainmôtier dans le Pays de Vaud, coulée en 1753 ; elle porte l’inscription suivante, transcrite sans correction :

 “FON ANFANG VVAR ICH ERD VND HERNACH METALL IETZ VND IENE GLOKEN DIE ZVR KIRCHEN RVEFFEN SOLL”
« D’abord terre, brute et informe, puis métal brillant, maintenant airain à voix éclatante, j’appelle au saint lieu”

S’agit-il de la cloche remplacée en 1897 ?
Comme nous venons de le voir, la ville de Lausanne faisait alors harmoniser les cloches de St-François et de St-Laurent avec celles de la cathédrale. Ayant de ce fait plusieurs cloches à vendre, l’Etat de Vaud acheta la condamnée de l’église de Romainmôtier et acquit la plus petite de St-François, à peu près du même volume et du même poids qu’elle.
Elle ne pèse que 275 kilos et donne le si, fondue à Carouge par Jean-Baptiste Pitton. La représentation du Christ en croix figure sur le manteau. Au bas, une simple guirlande en fait le tour, et au centre se lit cette brève et sèche inscription :

“ VILLE DE LAUSANNE 1810 POUR LE SERVISSE DE L’EGLISE DE ST-FRANCOIS”

“ FAITE PAR JEAN-BAPTISTE PITTON MAÎTRE FONDEUR A CAROUGE 1810” et gravé dans la masse “ Bau”

Le joug porte les mentions NPCT 1754 FDCT ACT. Le joug utilisé pour la cloche de 1753 a été réutilisé en 1897. Elle figure en bonne place aux côtés de ses deux aînées. Ainsi, la cloche fondue par Jean-Baptiste Pitton à Carouge est placée dans le clocher de l’église de Romainmôtier, en remplacement de la cloche endommagée dont nous perdons la trace, alors que celle fondue par Guillebert et De Meuron-dit-Banderet en 1726 pour la cathédrale de Lausanne est déplacée à l’église de St-François.

Extraits de Mémoire Vive, pages d’histoire lausannoise, l’harmonisation des cloches lausannoises par Fabienne Hoffmann.


La cloche de l’Ecole

Printemps de la jeunesse
Temps d’étudier
La cloche vous appelle
Joyeux écoliers

La cloche sonne digdindon
Invite pour les leçons
Eduquer pour la vie
Les garçons et les filles

Connaître notre monde
Savoir que la terre est ronde
Ecrire lisible sans fauter
Placer les chiffres pour compter

De l’école la cloche sonne
Appelle chaque matin
Les écoliers en bande folle
Qui deviendront les citoyens

Ces longues mais belles années
Enrichissent le cerveau
Gaies ou tristes paupières
Parfois au prix de sanglots

Un certain roi du moyen âge
Dans ses sujets ne voulut d’âne
Fit des écoles sous leur clocher
Pour instruire les écoliers

C’est grâce au bon roi Charlemagne
Que les études ont du charme
De l’Orient à l’Occident
Manifestent les étudiants

Dans toute compétition
On rêve d’être champion
Ceux qui ne savent nager
Avec Dieu sur la rive, peuvent
Encore espérer

Aloïs Ecuyer
Anc. Syndic d’Envy

1 Comment

  1. Pingback: Les deux cloches de Juriens – Swissisland.ch

Laissez un commentaire

Navigate